INTRODUCTION AU QUATRIEME
CHANT DE MALDOROR
C'est un homme ou une pierre ou un arbre qui va commencer le quatrième
chant. Quand le pied glisse sur une grenouille, l'on sent une
sensation de dégoût ; mais quand on effleure, à
peine, le corps humain, avec la main, la peau des doigts se tend,
comme les écailles d'un bloc de mica qu'on brise à
coups de marteau ; et, de même que le coeur d'un requin,
mort depuis une heure, palpite encore, sur le pont, avec une vitalité
tenace, ainsi nos entrailles se remuent de fond en comble, longtemps
après l'attouchement. Tant l'homme inspire de l'horreur
à son propre semblable ! Peut-être que, lorsque j'avance
cela, je me trompe ; mais peut- être qu'aussi je dis vrai.
Je connais, je conçois une maladie plus terrible que les
yeux gonflés par les longues méditations sur le
caractère étrange de l'homme mais, je la cherche
encore... et je n'ai pas pu la trouver ! . Je ne me crois pas
moins intelligent qu'un autre, et, cependant, qui oserait affirmer
que j'ai réussi dans mes investigations ? Quel mensonge
sortirait de sa bouche ! Le temple antique de Denderah est situé
à une heure et demie de la rive gauche du Nil. Aujourd'hui,
des phalanges innombrables de guêpes se sont emparées
des rigoles et des corniches. Elles voltigent autour des colonnes,
comme les ondes épaisses d'une chevelure noire. Seuls habitants
du froid portique, ils gardent l'entrée des vestibules,
comme un droit héréditaire. Je compare le bourdonnement
de leurs ailes métalliques au choc incessant des glaçons,
précipités les uns contre les autres pendant la
débâcle des mers polaires. Mais si je considère
la conduite de celui auquel la providence donna le trône
sur cette terre, les trois ailerons de ma douleur font entendre
un plus grand murmure! Quand une comète, pendant la nuit,
apparaît subitement dans une région du ciel, après
quatre-vingts ans d'absence, elle montre aux habitants terrestres
et aux grillons sa queue brillante et vaporeuse. Sans doute, elle
n'a pas conscience de ce long voyage ; il n'en est pas ainsi de
moi : accoudé sur le chevet de mon lit, pendant que les
dentelures d'un horizon aride et morne s'élèvent
en vigueur sur le fond de mon âme, je m'absorbe dans les
rêves de la compassion et je rougis pour l'homme ! Coupé
en deux par la bise, le matelot, après avoir fait son quart
de nuit, s'empresse de regagner son hamac : pourquoi cette consolation
ne m'est-elle pas offerte ? L'idée que je suis tombé
volontairement, aussi bas que mes semblables, et que j'ai le droit
moins qu'un autre de prononcer des plaintes, sur notre sort, qui
reste enchaîné à la croûte durcie d'une
planète, et sur l'essence de notre âme perverse,
me pénètre comme un clou de forge. On a vu des explosions
de feu grisou anéantir des familles entières ; mais
elles connurent l'agonie peu de temps, parce que la mort est presque
subite, au milieu des décombres et des gaz délétères
: moi... j'existe toujours comme le basalte ! Au milieu, comme
au commencement de la vie, les anges se ressemblent à eux-mêmes
: n'y a-t-il pas longtemps que je ne me ressemble plus ! L'homme
et moi, claquemurés dans les limites de notre intelligence,
comme souvent un lac dans une ceinture d'îles de corail,
au lieu d'unir nos forces respectives pour nous défendre
contre le hasard et l'infortune, nous nous écartons, avec
le tremblement de la haine, en prenant deux routes opposées,
comme si nous nous étions réciproquement blessés
avec la pointe d'une dague ! On dirait que. l'un comprend le mépris
qu'il inspire à l'autre ; poussés par le mobile
d'une dignité relative, nous nous empressons de ne pas
induire en erreur notre adversaire ; chacun reste de son côté
et n'ignore pas que la paix proclamée serait impossible
à conserver. Eh bien, soit ! que ma guerre contre l'homme
s'éternise, puisque chacun reconnaît dans l'autre
sa propre dégradation... puisque les deux sont ennemis
mortels. Que je doive remporter une victoire désastreuse
ou succomber, le combat sera beau : moi, seul, contre l'humanité.
Je ne me servirai pas d'armes construites avec le bois ou le fer;
je repousserai du pied les couches de minéraux extraites
de la terre : la sonorité puissante et séraphique
de la harpe deviendra, sous mes doigts, un talisman redoutable.
Dans plus d'une embuscade, l'homme, ce singe sublime, a déjà
percé ma poitrine de sa lance de porphyre . un soldat ne
montre pas ses blessures, pour si glorieuses qu'elles soient.
Cette guerre terrible jettera la douleur dans les deux partis
: deux amis qui cherchent obstinément à se détruire,
quel drame !
Isidore DUCASSE, comte de LAUTRÉAMONT *
* Isidore DUCASSE, dit le Comte de LAUTRÉAMONT,
naquit à Montevideo, le 4 avril 1846 et décéda
à Paris, le 24 novembre1870. Son oeuvre, pratiquement inconnue
jusqu'à la fin de la première guerre mondiale, renferme,
de l'avis d'André Breton, " la revanche de l'irrationnel,
l'affirmation des forces obscures, l'explosion volcanique de nappes
souterraines incandescentes. "
Contemporain de Rimbaud, Verlaine et Mallarmé, ayant vécu
presque la moitié de sa brève vie en France, où
il vint s'installer en 1860, il ne chercha pas à s'approcher
des chapelles littéraires parisiennes de son époque.
Ses deux livres -" Les chants de Maldoror " et "
Poésies "- édités à compte d'auteur,
passèrent inaperçus pendant plusieurs décades,
jusqu'à ce que les surréalistes considérèrent
à Lautréamont comme l'un de leurs précurseurs.
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Español
INTRODUCCION AL CUARTO CANTO
DE MALDOROR
Un hombre o una piedra o un arbol comenzarán el cuarto
canto. Cuando el pie se desliza sobre una rana, se siente una
sensación de repugnancia, pero cuando, con la mano, uno
roza apenas el cuerpo humano, la piel de los dedos se estira,
como las escamas de un bloque de mica, roto a martillazos. Y,
de la misma manera que, en la cubierta, sigue palpitando con tenaz
vitalidad el corazón de un tiburón, muerto una hora
antes, nuestras entrañas se siguen moviendo, mucho tiempo
después de aquel contacto. Esto da la pauta de hasta qué
punto el hombre despierta el horror en sus propios semejantes!
A lo mejor me equivoque al formular esta afirmación, pero
quizás esté en lo cierto. Conozco, concibo, una
enfermedad más terrible que la de los ojos hinchados por
las largas meditaciones relativas al extraño carácter
del hombre, pero la sigo buscando
y no he podido encontrarla!
No me creo más inteligente que cualquier otro, empero ¿quién
se atrevería a afirmar que he tenido éxito en mis
investigaciones? ¡Qué mentira saldría de su
boca!.
El antiguo templo de Denderah se encuentra a una hora y media
de la orilla izquierda del Nilo. Hoy en día, innumerables
falanges de avispas se han apoderado de los arroyuelos y de las
cornisas. Revolotean en torno de las columnas, como las espesas
ondas de una cabellera negra. Unicas pobladoras del frío
pórtico, hacen guardia en la entrada de los vestíbulos,
como ejerciendo un derecho hereditario. Comparo el zumbido de
sus alas metálicas con el choque incesante de los témpanos,
arrojados los unos contra los otros durante el deshielo de los
mares polares. Pero si considero la conducta de quien recibió,
de la providencia, el trono en esta tierra, las tres aletas de
mi dolor profieren un murmullo más intenso! Cuando, al
cabo de ochenta años de ausencia, un cometa nocturno aparece
súbitamente en una región del cielo, muestra a los
habitantes de la tierra y a los grillos su cola brillante y vaporosa.
Sin lugar a dudas, no tiene conciencia de su largo viaje; eso
no ocurre conmigo: acodado en la cabecera de mi cama, mientras
los festones de un horizonte árido y triste se alzan, vigentes,
en el fondo de mi alma, me absorbo en los sueños de la
compasión y me ruborizo por el hombre! Cortado en dos por
el viento, el marinero, tras cumplir con su guardia nocturna,
vuelve de prisa a su hamaca: ¿por qué no se me depara
este consuelo? Me penetra, como un clavo ardiendo, la idea de
haber caído voluntarimente tan bajo como mis semejantes
, y que tengo menos derecho que cualquier otro a presentar mis
quejas acerca de nuestra suerte, que sigue encadenada a la corteza
endurecida de un planeta, y acerca de la esencia de nuestra alma
perversa, Se han visto explosiones de grisú aniquilar a
familias enteras, pero la agonía les hizo sufrir muy poco
tiempo, porque la muerte es casi súbita, en medio de los
escombros y de los gaces deletéreos : por mi parte
¡sigo existiendo como el basalto!. Al promediar, como al
comenzar la vida, los ángeles se asemejan a ellos mismos:
Hasta hace poco tiempo yo no me asemejaba. El hombre y yo, constreñidos
por los límites de nuestra inteligencia, como a menudo
un lago por una cintura de coral, en vez de unir nuestras fuerzas,
para defendernos del azar y de la desgracia, nos separamos, con
los temblores del odio, tomando caminos opuestos, ¡como
si nos huibiésemos herido miututamente con la punta de
una daga! Se diría que el uno comprende el desprecio que
le inspira el otro; presionados por el móvil de una relativa
dignidad, nos apresuramos en no inducir en un error a nuestro
adversario; cada uno permanece en su sirtio y no ignora que sería
imposible el mantenimiento de la paz proclamada. ¡Y bien,
de acuerdo! Que se eternice mi guerra contra el hombre, porque
cada uno reconoce en el otro su propia degradación
porque somos enemigos mortales. Da lo mismo que yo logre una victoria
desastrosa o que sucumba, porque el combate será hermoso.
Si me enfrentara solo contra la humanidad, no utilizaría
armas construidas con madera o hierro; pisotearía las capas
de minerales extraídos de la tierra: gracias a mis dedos,
la poderosa y seráfica sonoridad del arpa se convertiría
en un temible talismán. En más de una emboscada,
el hombre, ese mono sublime, ya ha traspasado mi pecho con su
lanza de pórfido: un soldado no exhibe sus heridas, por
gloriosas que sean. Esta terrible guerra cubrirá de dolor
a ambos rivales: dos amigos que tratan obstinadamente de destruirse,
¡qué drama!
Isidore DUCASSE, comte de LAUTRÉAMONT *
* Isidore DUCASSE, llamado el Conde de LAUTRÉAMONT,
nació en Montevideo, el 4 de abril de 1846 y falleció
en París, el 24 de noviembre de 1870. Su obra, prácticamente
desconocida hasta que terminó la primera guerra mundial,
implica, conforme con la opinión de André Breton,
" el desquite de lo irracional, la afirmación de las
fuerzas oscuras, la explosión volcánica de estratos
subterráneos incandescentes. "
Contemporáneo de Rimbaud, Verlaine y Mallarmé, habiendo
pasado casi la mitad de su corta vida en Francia, donde se instaló
en 1860, nunca trató de acercarse a los grupos literarios
parisiennes de su época. Sus dos libros -" Les chants
de Maldoror " (Los cantos de Maldoror) y " Poésies
" (Poesías)- éditados por su cuenta , pasaron
inadvertidos durante varias décadas, hasta que los surrealistas
consideraron a Lautréamont comme a un précursor.
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English
INTRODUCTION TO THE FOURTH
CANTO OF MALDOROR
A man or a stone or a tree will begin the fourth song. When the
foot slips on a frog, a feeling of dislike is felt; but when one
graze, hardly, the human body, with the hand, the skin of the
fingers tightens oneself, as the scales of a block of mica which
one breaks with blows of hammer; and, just as the heart of a shark,
died for one hour, on the bridge, with a tough vitality, thus
our entrails have still palpitated are stirred up basic in roof,
a long time after the contact. Such an amount of the man inspires
by the horror to his clean similar! Perhaps when I say that, I
am mistaken; but can to be that also I say true. I know, I conceive
a disease more terrible than the eyes inflated by the long meditations
on the strange character of the man but, I still seek it
and I could find it I do not believe myself less intelligent than
another, and, however, who would dare to affirm that I succeeded
in my Investigations? What a lie would leave its mouth! The ancient
temple of Denderah is located at one hour and half left bank of
the Nile Today; innumerable phalanges of wasps seized the drains
and the cornices. They fly around the columns, like the thick
waves of a mass of black hair. Only inhabitants of the cold gantry,
they keep the entrée of the halls, like a hereditary right.
I compare the buzz of their metal wings with the ceaseless shock
of the blocks of ice, precipitates the ones against the others
during the thaw of the polar seas. But if I consider the control
of that to which providence gave the throne on this ground, the
three ailerons of my pain make hear a greater murmur! When a comet,
during the night, appears suddenly in an area of the sky, after
eighty years of absence, it shows the terrestrial inhabitants
and with the crickets his tail brilliant and vaporous. Undoubtedly,
it is not aware of this long voyage; it is not thus of me: sitting
with my elbows on the bedhead; while the serrations of an arid
and dull horizon rise into force on the bottom of my heart, I
absorb myself in the dreams of the compassion and I reddened for
the man! Crossed into two by the north wind, the sailor, after
having made his quarter of night, hastens to regain his hammock:
why this consolation isn't offered to me? The idea that I fell
voluntarily, as low as my similar, and as I have the right less
than another to pronounce complaints, on our fate, which remains
connected with the hardened crust of a planet, and on the species
of our perverse heart, penetrates me like a nail of forging mill.
One saw explosions of firedamp destroying whole families; but
they knew the anguish little time, because death is almost sudden,
in the medium of the debris and foul air: me
I always exist
like basalt! The medium, as at the beginning of the life, the
angels resemble each other themselves; there is not long-time
how I do not resemble myself any more! The man and me, shuted
within the limits of our intelligence, as often a lake in a belt
of coral islands, instead of linking our respective forces to
defend us against the chance and misfortune, we deviate, with
the tremor of hatred, by taking two opposed roads, as if we had
been reciprocally wounded with the point of a scraping-knife!
It would be said that one understands the contempt which it inspires
with the other; pushed by the mobile of a relative dignity, we
hasten not to induce in error our adversary; each one remains
on its side and is not unaware of that proclaimed peace would
be impossible to preserve. Eh well, is! That my war against the
man lasts forever, since each one recognizes in the other its
own degradation
since both are enemy mortals. That I must
gain a disastrous victory or succumb, the combat will be beautiful;
me only counter humanity. I will not be useful myself of weapons
built with wood or iron; I will push back foot the layers of minerals
extracted the ground: the powerful and seraphic sonority of the
harp will become, under my fingers, a frightening talisman. In
more than one ambush, the man, this sublime monkey, already bored
my chest of his lance of porphyry: a soldier does not show his
wounds, for so glorious which they are. This terrible war will
throw the pain in the two parties: Two friends who seek obstinately
with to destroy, what a drama!
Isidore DUCASSE, comte de LAUTRÉAMONT *
* Isidore DUCASSE, known as the Count of
LAUTRÉAMONT, was born in Montevideo, April 4, 1846 and
died in Paris, November 24, 1870. Its work, practically unknown
until the end of the First World War, contains, of the opinion
of Andre Breton, "the revenge of irrational, the assertion
of the obscure forces, the volcanic explosion of incandescent
underground sheets"
Contemporary of Rimbaud, Verlaine and Mallarmé, having
almost lived half of his short life in France, where it settled
in 1860, it did not seek to approach the Parisian literary groups
of his time. Its two books -"Les chants de Maldoror"
(Songs of Maldoror) and "Poésies" (Poetries)"
- published on account of author, passed unperceived during several
decades, until the surrealist ones considered in Lautréamont
their precursor.